Wargame idéologique à gauche

Soyons clair : derrière l’expression « wargame idéologique », je n’entends pas ici les hommes ni les femmes politiques qui s’étripent pour une place au soleil médiatique. Ce ne sont pas non plus les partis dans leurs luttes internes ou externes qui m’intéressent dans ce billet, ou alors à la diagonale de leurs idées… quand ils en ont.

– Bon, ok, mais alors de quoi ça va parler ?!
– D’un truc qui me tient drôlement à cœur : les idéologies.

J’ai déjà écrit combien il est urgent de « réidéologiser » le politique, de réintroduire de la pensée, de s’équiper d’un outillage intellectuel solide et de favoriser la confrontation d’idées différentes. Si la plupart des partis, à gauche comme à droite, présentent, hélas !, un électroencéphalogramme plat, cela ne signifie pas pour autant que tout se résume à un champ de ruine intellectuel.
J’examinerai le cas de la droite plus tard, pour l’instant, observons ce qui se passe à gauche. Ou du moins du côté de ceux qui se définissent comme « de gauche ».

Loin de moi l’idée de construire une nouvelle typologie des gauches : d’autres le font très bien[1]. Je préfère aborder la question différemment, en esquissant le paysage actuel des courants de pensée qui s’affrontent pour la domination intellectuelle au sein de la gauche.

Aujourd’hui, j’ai l’impression que trois courants ou familles de pensée se disputent cette hégémonie, que j’appellerai pour faire simple : le champion en titre, l’outsider et le vétéran.

Évidemment, ces idéologies sont portées par des individus : on n’a jamais vu une idée sortir sur ses petites jambes acheter ses croissants le dimanche matin.
Et évidemment, il y en a d’autres. Je ne prétends pas à l’exhaustivité.
Mais si je choisis ces trois visions du monde, ces trois imaginaires collectifs, ces trois constructions intellectuelles plus ou moins cohérentes (leurs ambiguïtés sont aussi intéressantes que leurs structurations), c’est parce que je pense que leur combat actuel va largement déterminer l’évolution du paysage politique français.
Rien que ça ?
Eh oui !

Inspection des troupes, les forces en présence

Le vétéran, c’est le retour sur le ring d’un courant ancien que je qualifierais de républicain.
Sa grille de lecture est politique, voire philosophique.
Des trois, il est sans doute le plus ancré dans l’histoire française : il conserve un attachement fort aux concepts de patrie et de nation, se souvenant que ces valeurs sont historiquement de gauche. Ceux qui ont oublié ce fait têtu et pensent qu’elles appartiennent à l’extrême-droite traitent ainsi volontiers les représentants de ce courant de pensée de « gauche réac’ », d’« archaïques », voire de « crypto-fascistes ».
De leur côté, les membres de cette famille citent alternativement comme modèles Robespierre ou Clemenceau mais de manière assez peu assurée : pour certains, le premier est trop à gauche alors que pour d’autres le second est trop à droite… preuve navrante que l’histoire demeure, hélas !, bien mal connue, même d’eux[2].
Ces dissensions internes sont également le symptôme de leur éparpillement partisan façon puzzle auquel il manque des pièces : quelques-uns, autour de Jean-Luc Mélenchon, essaient de se faire entendre au milieu du brouhaha du Front de Gauche ; d’autres crient dans le désert intellectuel du PS ; quelques irréductibles, enfin, le dernier carré des chevènementistes au MRC, se sentent bien seuls pour tenir la baraque. Quant au PRG, qui devrait théoriquement être leur matrice historique commune (souvenez-vous, le radicalisme au dernier tiers du XIXe siècle !), par charité laïque, peut-être vaut-il mieux ne pas en parler.
Du coup, la réactivation de ce mouvement de pensée semble se faire en dehors des partis politiques, plutôt du côté des chercheurs et intellectuels[3].

En face, le champion en titre.
Il pense le monde en termes économiques.
Ce deuxième courant de pensée est devenu dominant dans les années 80 alors que les États-Unis et la Grande-Bretagne subissaient la révolution conservatrice reagano-thatchérienne.
S’il lui arrive parfois de se référer à la tradition libérale française, comme pour se justifier, il préfère en général se définir comme social-démocrate, tendance Europe du Nord. Il prétend ainsi défendre un modèle de cogestion, de dialogue social et de synthèse, et se repose sur les corps intermédiaires pour tempérer le marché.
Ses inspirations réelles paraissent contemporaines et étrangères mais elles ne sont pas à chercher du côté de la Scandinavie. Plutôt des expériences de Blair, Schröder, Zapatero and co.
Se considérant comme l’incarnation du « réalisme », cette famille accepte les principes du néolibéralisme, assume son économisme et défend les institutions européennes telles qu’elles sont. Pour ces raisons, ses adversaires le taxent, au choix, de « social-libéral », de « libéral », de « néolibéral », voire d’« ultralibéral », selon leur degré de vocifération (et leur volonté de se ménager un avenir).
On le retrouve surtout au PS où, sans être forcément toujours majoritaire, il domine. Il inspire, dans l’ensemble, la politique menée depuis l’accession du PS au pouvoir en 2012.

Enfin, last but not least, l’outsider.
S’affirme ici depuis plusieurs années un courant qui puise à des sources très différentes mais se constitue en un tout plus ou moins cohérent. Je le qualifierais d’identitaire, au sens où il place les identités et les communautés au cœur d’une vision du monde à la fois morale et sociologique.
En effet, ce courant pense d’abord en termes d’oppression de minorités (en générale ethniques) par la majorité. Étrange melting pot idéologique mélangeant des éléments parfois très éloignés comme la tradition libertaire, la sociologie bourdieusienne, les modèles communautariens anglo-saxons, l’internationalisme et le tiers-mondisme, cette pensée se concentre sur les communautés et voue une haine farouche aux concepts de patrie, de nation et de laïcité, jugés « rances » et « coloniaux ».
Elle est souvent accusée par ses adversaires de communautarisme, de bien-pensance à peu de frais, de cultiver une culture de l’excuse, de la concurrence victimaire et de l’excommunication moralisante, voire de verser dans « l’islamo-gauchisme ».
On la trouve surtout à l’extrême-gauche, du NPA au Front de gauche, d’où elle jette l’anathème sur les autres composantes de la gauche – elle seule, à ses yeux, pouvant incarner « la gauche », le camp du Bien contre le camp du Mal – ; mais aussi dans certains milieux de la recherche en sciences humaines et sociales et dans le monde associatif. Elle s’incarne également dans certains courants d’Europe écologie-Les Verts et, dans une moindre mesure, du PS.

Ces esquisses, tracées à grands traits et qui mériteraient d’être largement détaillées et approfondies, relèvent de la forme « idéale-typique ». Par conséquent, sympathisant, militant ou élu de gauche qui lis ces ligne, c’est normal que tu te dises « je ne me reconnais totalement dans aucune de ces familles » : ce sont des cristallisations intellectuelles – chez les individus, on ne les rencontre que très rarement à l’état chimiquement pur[4].
Ce qui ne les empêche certainement pas de se livrer un combat acharné pour imposer leur vision du monde, quitte à excommunier les autres et à leur dénier toute appartenance à la gauche !
« La gauche, c’est moi », clament-elles.
À bien y regarder, les oppositions sont en effet difficilement surmontables et leur fondamentaux à tel point incompatibles que le compromis est impossible.

Round one : FIGHT !

Entre les vétérans républicains et les libéraux champions en titre, le combat est ancien et presque caricatural tant l’impression de déjà-vu est tenace.
Pour les premiers, le politique, dont la visée est l’intérêt général et le bien commun, doit primer sur l’économique… considérations aux antipodes de la pensée des seconds – accrochés à leurs « it’s the economy, stupid » et « there is no alternative » comme des moules plus très fraîches à leur rocher délaissé depuis longtemps par la marée – pour qui le politique doit se contenter d’établir les règles de redistribution des richesses créées par un marché laissé le plus libre possible (la fameuse liberté du renard libre dans un poulailler libre). L’encadrement de l’État doit se faire de loin, de très loin, de tellement loin qu’il n’interfère en rien avec la « main invisible », pauvre Adam Smith qu’ils feraient mieux de (re)lire avant de le citer à tort et à travers. Ils rêvent ainsi d’une ouverture la plus grande possible des marchés et des frontières, enterrant définitivement l’État-nation au profit de l’Europe d’une part et des entreprises transnationales d’autre part. Considérations qui relèvent, pour leurs adversaires républicains attachés à la nation et à l’État, de l’escroquerie[5].
Difficile, dans ces conditions, de concilier ces deux mouvements.
Mais ça, on le savait.

Ce n’est cependant pas là que les dissensions sont les plus vives ni le combat le plus violent. L’antagonisme le plus radical est à chercher entre l’outsider identitaire et les vétérans républicains : nous passons en quelque sorte d’un match de boxe un peu crade où les coups vicieux sont la règle à la guerre nucléaire totale.
Car tout les oppose. Au cœur du débat : l’attachement à la communauté nationale des individus-citoyens vs une lecture de la société à travers le prisme des communautés (ethno-)culturelles opprimées. Et volent les noms d’oiseau : « réac’ crypto-fasciste », « islamo-gauchiste »… Toute intervention médiatique d’un partisan de l’un ou l’autre camp, toute parution d’un ouvrage défendant les thèses d’un bord ou de l’autre, déchaînent passions, articles vengeurs et autres tweetclash[6].
S’il prend souvent ces formes pitoyables, le débat de fond n’en est pas moins réel. Car ces deux courants portent des conceptions du monde qui peuvent (et veulent) s’installer comme colonne vertébrale d’un projet alternatif à gauche. Ils font tous deux le pari de l’échec politique du champion en titre libéral, et cherchent à prendre l’ascendant intellectuel pour bâtir un autre programme d’action.
L’issue de ce combat est donc capitale.

D’autant que la troisième bataille, celle de l’outsider et du champion en titre, autrement dit des courants identitaire et libéral, est beaucoup plus ambiguë.
Parce que dans ce cas-ci, les oppositions sont moindres… ou moins flagrantes. Comme le montrent très bien les alliances entre libéraux et libertariens aux États-Unis ou Michéa dans L’Empire du moindre mal, communautarisme et libéralismes économique et philosophique sont tous les trois parfaitement compatibles. La société inégalitaire portée par le libéralisme s’accommode tout à fait d’une organisation balkanisée de communautés juxtaposées et d’un éclatement de l’universalité de la loi au profit d’une différenciation des droits. Le rapport du think tank Terra Nova sur la stratégie à adopter par le PS, qui avait fait pas mal de bruit avant l’élection de 2012, est un signe parmi beaucoup d’autres d’un rapprochement possible de ces deux familles de pensée.
Si le courant républicain s’attaque de front au mouvement libéral, la stratégie de la famille identitaire est plus subtile : phagocyter son adversaire pour gagner l’hégémonie idéologique à gauche.

Le coup de théâtre – grec !

Le combat entre nos trois héros semble bien mal engagé pour les vétérans républicains, incapables de se réunir sous un même étendard alors qu’en face libéraux et identitaires pourraient bien monter une alliance, belle « comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie », comme disait l’ami Lautréamont. Ceci dit, tout n’est pas joué et l’exemple pourrait bien nous venir de nos amis hellènes.
Bien sûr, enrôler brutalement Syriza, le mouvement d’Alexis Tsipras, en l’accrochant de force à la tradition républicaine française est absurde… même si certaines crapules, bien plus éloignées idéologiquement, ont quand même cherché à le récupérer de manière incroyablement cynique – comme quoi, plus c’est gros…
Ce qui n’est pas absurde, en revanche, pour les républicains, c’est de pointer les rapprochements possibles et, surtout de s’inspirer.
Car de quoi Syriza est-il le nom ?
D’un mouvement qui met en avant la volonté politique contre les dogmes économiques (et pan dans les dents des libéraux) et défend le peuple et la souveraineté nationale, jusqu’à s’allier avec un parti souverainiste de l’autre rive (et pif dans le nez des identitaires « de gauche »).
Plus profondément, il montre surtout comment il est possible d’édifier un projet politique commun, de redonner du sens à l’action, en s’appuyant sur un corpus idéologique cohérent et assumé. Grâce à Syriza en Grèce, à Podemos en Espagne, « bien commun », « intérêt général », « volonté », « alternative », « politique » ne sont plus des concepts honteux, jetés au rebut au nom d’un insupportable pseudo-réalisme criminel. Et ça, c’est déjà admirable.

À suivre : Wargame idéologique à droite…

Cincinnatus,


[1] Les typologies des gauches ou des droites sont un exercice classique pour les historiens. Depuis l’œuvre fondatrice de René Rémond, Les Droites en France, beaucoup s’y sont essayés avec plus ou moins de succès. Récemment, c’est Jacques Julliard qui a produit un roboratif et très intéressant Les gauches françaises. 1762-2012 : Histoire, politique et imaginaire. Le travail de Julliard est à la fois riche, complexe et ambitieux. Il distingue quatre familles à gauche : libérale, jacobine, collectiviste, libertaire. Il faut tout de suite noter que, pour lui, « famille » ne signifie pas « parti ». Les partis politiques « de gauche », dans le modèle de Julliard, sont en général à cheval sur au moins deux familles et leur positionnement évolue grandement avec l’histoire. Ses familles sont des groupements idéologiques, la manifestation d’une philosophie politique. De ce point de vue, elles se rapprochent un peu de ce que je décris, à la différence majeure près que, dans sa démarche d’historien, Julliard cherche les invariants et les évolutions alors que je m’intéresse à des cristallisations idéologiques conjuguées d’abord au présent.
On peut aussi noter, variation sur le même thème, les ouvrages de Michel Winock, La Gauche en France ou de Serge Berstein, Les cultures politiques en France. Ces différents auteurs ont en commun de calquer davantage les familles politiques qu’ils dessinent sur les partis politiques existants, ainsi de Winock qui en distingue lui aussi quatre : républicaine, socialiste, communiste et « ultragauche ».
On le voit bien, toute typologie dit quelque chose à la fois de l’objet qu’elle décrit et de celui qui la construit. Le très subtil mépris que Julliard affiche pour la famille « jacobine », teinté, il est vrai, d’une once de tendresse, est à ce titre exemplaire.

[2] À ceux qui croient encore que Clemenceau, l’un des deux plus grands hommes d’État français des deux derniers siècles (l’autre étant de Gaulle, évidemment), était un horrible suppôt de la droite, je conseille, par exemple, l’honnête biographie que Michel Winock lui a consacrée : elle a pour elle l’immense mérite de la justesse et de la justice.

[3] Voir notamment les travaux de Jean-Fabien Spitz.

[4] Les ambiguïtés d’un Manuel Valls en sont un bel exemple : ses discours et références appartiennent au premier courant, en particulier son attachement affiché à la figure de Clemenceau (quoique, hélas !, il ne l’ait visiblement ni sérieusement lu ni sérieusement étudié) ; sa politique nationale relève ouvertement du deuxième ; quant à la politique qu’il a menée à Évry, elle s’inspirait des trois à la fois, selon les moments et les opportunités, à l’image de son rapport pour le moins fluctuant à la laïcité.

[5] Les républicains subissent régulièrement de leurs adversaires libéraux des attaques en incompétence sur l’économie. Que les choses soient claires : ce n’est pas parce qu’ils cherchent à remettre à sa juste place l’économie en tant qu’espace social et idéologique qu’ils ne comprennent rien à l’économie en tant que science sociale, au contraire ! Ils refusent le psittacisme des grands adorateurs du monétarisme et de l’ordolibéralisme, et préfèrent les analyses et propositions d’économistes hétérodoxes tels que, par exemple, chez les contemporains, les Atterrés dont Le Nouveau Manifeste est sorti récemment. Dans le même ordre d’idée, les débats actuels sur l’enseignement de l’économie sont particulièrement éclairants.

[6] Cf. les débats autour des ouvrages de Christophe Guilluy, La France périphérique, et de Laurent Bouvet, L’Insécurité culturelle, ou les attaques régulières et ignobles dont sont l’objet des personnes comme Caroline Fourest.

Publié par

Cincinnatus

Moraliste (presque) pas moralisateur, misanthrope humaniste, républicain râleur, universaliste lucide, défenseur de causes perdues et de la laïcité, je laisse dans ces carnets les traces de mes réflexions : philosophie, politique, actualité, culture…

4 réflexions au sujet de “Wargame idéologique à gauche”

  1. C’est bien l’identitaire qui gagnera mais pas celui que vous croyez. Ils sont d’ailleurs de plus en plus rejoints par les vétérans, quand ils ne le deviennent pas carrément eux-même, et je trouve que vous l’expliquez bien, à votre manière (dans votre sens).
    Quant à la « gauche » ou les gauches, peut importe comme on les qualifie, voire comment ils se qualifient, il n’en restera bientôt plus grand chose, et cela à cause de leur libéralisme qu’il soit moral, ou économique.
    Le plus drôle, c’est que les crapules que vous désignez, correspondent exactement à la définition que vous donnez de Syriza:
    « Car de quoi le FN est-il le nom ?
    D’un mouvement qui met en avant la volonté politique contre les dogmes économiques (et pan dans les dents des libéraux) et défend le peuple et la souveraineté nationale,CAR IL EST un parti souverainiste de l’autre rive (et pif dans le nez des identitaires « de gauche »). »

    Il me semble que le FN est le pur parti anti-libéral par excellence (conservateur économique et moral) et c’est pour cela qu’il devient absolument ingérable pour « la gauche ». Impossible d’être anti-libéral en étant pour l’UE et impossible d’être contre l’UE sans devenir anti-libéral, surtout si l’UE n’est finalement qu’une association droit-marché, soit l’incarnation parfaite du libéralisme.

    Dans le pays le plus anti-libéral du monde, le FN a à mon humble avis de beau jours devant lui.

    Même s’il, comme Syriza sûrement, décevra autant ses électeurs que le PS en son temps (celui que les jeunes de moins de 20 ans…)

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    1. Votre analyse est intéressante mais, vous vous en doutez, je ne suis pas tout à fait d’accord.

      Si je comprends bien le début de votre commentaire, vous évoquez un rapprochement entre les républicains de gauche et le FN. Le discours de ce dernier sur les services publics et l’importance de l’État ne doit pas tromper : cette posture n’est qu’une supercherie. J’ai commencé à en parler à propos de l’école (https://cincivox.wordpress.com/2015/02/09/le-fn-et-lecole-la-tentation-de-lillusion/) et je reviendrai sans doute sur cette question bientôt. Juste une précision : l’illusion grossissante que certains médias ont provoquée au sujet du supposé passage de chevènementistes vers le FN new age (je précise que je ne suis encarté nulle part, pas plus au MRC qu’ailleurs… même si j’ai une affection évidente pour une figure comme Chevènement) est scandaleuse et ne sert, hélas !, qu’à faire passer le parti de MLP pour républicain. Ce qu’il n’est pas, au sens que donne la pensée politique à ce terme.

      En effet, et je réponds maintenant à la suite de votre commentaire, le FN n’est pas du tout antilibéral. C’est un mélange bizarre et très efficace de dénonciation tous azimuts (des élites, des immigrés, des fonctionnaires, des institutions européennes, des journalistes, de la gauche, de la droite, du libéralisme, de l’étatisme, des syndicats, de…) qui permet de ratisser large. Et ce n’est pas parce que son nouveau discours surfe les insécurités (physique, sociale, économique, culturelle, cf. Guilluy, Bouvet, etc.) qu’il a changé.

      Ainsi, dire, comme vous le faites, que « le FN est le pur parti anti-libéral par excellence », c’est, je le crains, taper à côté de la cible. Pour le dire simplement, le FN n’est ni libéral, ni antilibéral, ni même populiste : il est démagogue. Et c’est la raison pour laquelle il peut effectivement remporter des suffrages. Il apporte des réponses simplistes à des questions complexes, pendant que les autres partis, soit nient jusqu’à l’existence de ces questions, soit ont prouvé leur incapacité à y répondre.

      De tous ces points de vue, trop rapidement effleurés ici, je conclus que le FN et Syriza n’ont pas grand chose à voir. Ce que j’essaie de dire à la toute fin de mon billet, c’est que, au-delà des apparences et des tentatives de coller des étiquettes sur un mouvement complexe, Syriza semble renouer avec la tradition républicaine au moins par le retour qu’il impose du politique. Avec eux, une réponse positive émerge (les réponses du FN sont toutes négatives, et ça change tout !), rendant leur sens aux concepts de « bien commun », d' »intérêt général », etc. Et ça, c’est bigrement intéressant !

      Cincinnatus

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  2. Très bon article et claire typologie des gauches,
    la classique ligne droite-gauche est de plus en plus obsolète.
    Un autre paradoxe que révèle ce « fight », le soutien indirecte de l’outsider, cette gauche identitaire, à une partie de cette minorité « dominée » et religieuse aux idées très conservatrice qui se rapprochent de celles de la droite catholique: contre l’homosexualité, la mixité hommes-femmes, l’avortement…
    Nous retrouvons par exemple aussi de grosses divergences idéologiques et des batailles dans les luttes féministes entre féministes « outsider » et « vétérans ».
    Reste que chez les « vétérans » mot bien choisi puisqu’il me semble que la nouvelle génération de politiques et de militants peinent à les rejoindre et choisissent plutôt les outsiders.
    Les figures de proue sont bien des vétérans, Badinter,Debray, Bouvet..etc.
    Sans vous confier un travaille qui peut vous sembler inutile, je verrai bien un graphique en abscisse libéralisme économique
    en ordonnée républicain multiculturaliste
    ou conservatisme morale libéralisme morale.
    Et tenter de donner une image graphique à tout ce petit monde.

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    1. Merci beaucoup pour ce commentaire.

      Je souscris assez à l’ensemble de vos remarques : je prépare d’ailleurs actuellement une suite symétrique (« Wargame idéologique à droite ») dans laquelle je montrerai les convergences qui peuvent exister et comment se redessine l’échiquier politique autour de nouvelles lignes de fracture.

      Votre idée d’une représentation graphique est intéressante : je ne suis pas sûr d’avoir le temps pour l’instant mais c’est à creuser. Merci ;o)

      CIncinnatus

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